- Coup dur pour les consommateurs de cannabis dans la ville de Saint-Sébastien.
- Le Tribunal Suprême (cour de dernière instance dans le système juridique espagnol) vient d'annuler l’ordonnance municipale régulant l’emplacement des clubs sociaux de cannabis, votée lors du conseil municipal du 30 octobre 2014.
- Le Tribunal affirme que l’activité de ces clubs n’est pas toujours licite d’un point de vue pénal, raison pour laquelle leur compétence juridique sera réservée exclusivement à l’Etat.
Les Clubs Sociaux de Cannabis (CSC) font partie du panorama d'une société basque qui demande depuis plus de 20 ans un cadre législatif permettant de réduire l'insécurité juridique pour ses milliers d'adhérents. En 2014, la ville frontalière de Saint-Sébastien (Pays basque espagnol) était pionnière en Espagne dans la normalisation de ces clubs grâce à un système d'inscription dans un registre et de licences d'activité. Le texte de loi régulait l'emplacement et le fonctionnement d'une vingtaine de locaux déjà présents dans la ville et de nouveaux établissements sur le point d'ouvrir.
Mais la Salle III du Contentieux Administratif du Tribunal Suprême vient d'annuler l'ordonnance municipale de la Mairie de Saint-Sébastien, en s'appuyant sur un recours du bureau de l'Avocat général de l'État espagnol contre la sentence du tribunal supérieur de justice du Pays basque, du 17 mai 2016, qui avait néanmoins rejeté au préalable un recours du gouvernement central contre cette même ordonnance.
Il est nécessaire de rappeler que cette ordonnance avait été adoptée lors d'une session plénière du conseil municipal d'octobre 2014 grâce au soutien de tous les groupes politiques présents, une majorité dont aucune loi sur le cannabis n'avait jamais pu compter et qui était considérée comme une prouesse sociale pour le consensus politique obtenu.
L'incertitude de savoir si un club social de cannabis est licite ou non pénalement empêche de considérer qu'une mairie est compétente en terme de régulation des clubs de cannabis, même d'un point de vue urbanistique ou environnemental.
Quel est le raisonnement du Tribunal ?
Le Tribunal Suprême indique que si l'activité des clubs sociaux de cannabis était toujours licite, aucune objection ne serait possible quant à la compétence de la Mairie pour réguler l'activité d'un point de vue urbanistique et environnemental. Toutefois, l'activité de ces clubs n'est pas toujours licite d'un point de vue pénal, selon la jurisprudence de la Salle II du Tribunal Suprême, c'est pourquoi il entrerait dans le domaine (législation pénale) dont la compétence est exclusivement réservée à l'Etat.
Mais la justice n'avait-elle pas déjà confirmé l'ordonnance municipale ?
C'est le cas, mais seulement à un niveau inférieur. Le 16 mai 2016, le Tribunal supérieur de justice du Pays basque rejetait le recours du Bureau de l'Avocat de l'Etat espagnol qui contestait l'ordonnance de régulation des clubs sociaux de cannabis de Saint-Sébastien, considérant qu'elle empiétait sur les compétences de l'Etat. Cette décision avait été célébrée par le maire de la ville, Eneko Goia, considérant alors que la sentence du TSJPV renforçait l' « autonomie municipale ». Mais, c'est désormais au tour du Tribunal Suprême de reconsidérer le nouveau recours du Bureau de l'Avocat de l'Etat contre cette sentence, interprétant que cette loi « porte atteinte au principe de hiérarchie et des compétences de l'Etat ».
La jurisprudence de la Cour Constitutionnelle a-t-elle été prise en compte ?
Effectivement, les magistrats affirment qu'il n'est jamais superflu de rappeler que la Cour Constitutionnelle avait déclaré inconstitutionnelle la loi forale 24/2014 de régulation des collectifs de consommateurs de cannabis en Navarre, car « elle empiétait sur les compétences exclusives de l'Etat en terme de droit pénal ». Le Tribunal Suprême signale que la Loi du Parlement de Catalogne 13/2017 sur les associations de consommateurs de cannabis avait également été déclarée inconstitutionnelle.
La Fédération Basque de Cannabis critique durement cette sentence
La Fédération d'Associations de Consommateurs de Cannabis du Pays basque (Eusfac) considérait que cette sentence était « très négative », puisque selon eux, « une nouvelle fois, les clubs sociaux, et donc les consommateurs, sont renvoyés vers un statut illégal absolu ». De plus, ils considèrent que le Tribunal Suprême « agit avec aveuglement politico-idéologique en n'assumant pas son obligation de chercher des solutions afin de résoudre le manque de sécurité juridique auquel les clubs de cannabis sont exposés ».
Ils offrent toutefois leur « entière collaboration » au Département de Santé du Gouvernement basque « afin de parfaire le développement de l'article 83 de la Loi basque d'Attention complète aux addictions et aux dépendances aux drogues, sur les clubs sociaux de cannabis ». Et que, contrairement à la surprenante résolution du Tribunal Suprême, « la Cour Constitutionnelle l'a déclaré pleinement constitutionnelle l'année dernière ».
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