- Les cannabiculteurs du nord de la France ont dû faire face à trois saisons consécutives très difficiles. Printemps « pourris » suivis d’étés parsemés d’épisodes caniculaires et de tempêtes orageuses, automnes précoces et arrosés : comment limiter l’influence de ces facteurs ? Richard, grower chevronné et récoltant dans le bassin parisien depuis plus de vingt ans, nous raconte en exclusivité ses secrets pour que vous puissiez reconnaître par vous-même le meilleur moment pour planter vos graines de cannabis en France.
Pour ce qui est de ses besoins en chaleur, en eau, et en lumière, notre plante aime le régime méditerranéen. Si vous plantez des tomates, des poivrons ou des aubergines dans votre jardin situé au nord de la Loire, vous pourrez occasionnellement faire de très belles récoltes. Si par contre, vos tomates ont du mal à rougir en septembre faute de soleil ou bien si elles sont gangrénées par les saprophytes pour avoir reçu trop de précipitations, vous observerez les mêmes phénomènes et des rendements moindres de la part de vos précieux plants.
Les trois derniers printemps ont été catastrophiques à cet égard avec plusieurs indicateurs dans le rouge : gelées tardives en plaine, même après les fameux « saints de glace », températures presque systématiquement inférieures à 5° en mai et à 10° en juin la nuit et dépassant rarement les 20° au meilleur de la journée ; pluies quotidiennes en 2014/2015, diluviennes en 2016.
En juillet, la canicule a régulièrement pris le relais du froid, soumettant les plantes à un nouveau stress thermique important. Ce sont les aléas climatiques et le cultivateur qui pratique l’outdoor doit se reconnecter avec les dures réalités d’un climat déréglé passons en revue trois facteurs clefs du succès : chaleur, eau et vent.
Le choix du bon timing pour le semis et le repiquage
1º Pour ce qui est de la chaleur, rappelons que le cannabis supporte des températures très faibles (et même occasionnellement survit à de faibles gelées) mais que sa croissance est stoppée en dessous de 13°, ralentie en dessous de 15°. La température idéale se situe donc entre 18° et 26°, tant pour la période végétative que pour la floraison. Au-dessus de 32° la croissance est faible et nulle au-dessus de 38°. Difficile donc de repiquer en pleine terre avant la première quinzaine de juin, dans le meilleur des cas, si on veut pouvoir compter sur une croissance végétative vigoureuse et rapide.
Au printemps, le choix du bon timing pour le semis et le repiquage, est donc primordial. Le plus simple et le moins onéreux consiste, une fois les graines germées à les laisser franchir leur premier stade de croissance dans des conteneurs suffisamment grands (et surtout profonds) pour pouvoir les garder à l’intérieur, sous un VLux ou derrière une baie vitrée orientée au sud, tant que la chaleur à l’extérieur n’a pas atteint un niveau compatible avec le développement végétatif. En procédant ainsi, il est possible de repiquer en pleine terre, à partir de mi-juin, des plants de trente à quarante centimètres, germés au cours de la deuxième quinzaine d’avril et portant déjà trois à quatre rangées de ramifications. Quoi qu’il puisse se passer, ne sortez pas vos plants si la température est régulièrement inférieure à 20° en journée ou bien si elle descend en dessous de 8° la nuit. Apprenez à utiliser un thermomètre minima-maxima qui vous informera précisément. Et n’oubliez pas de mesurer la température de la terre, un facteur critique et souvent négligé. Cet hiver, le mercure est descendu jusqu’à -10° et, même, - 15° dans certaines régions. La terre a gelé en profondeur (15 à 20 cm) et on peut prédire que son réchauffement sera lent. Pour repiquer, il faudra attendre que la température dépasse les 15° à 10 cm sous la surface du sol. Elle se mesure avec un thermomètre spécial.
Protéger vos plants de la canicule estivale permet aussi d’obtenir de meilleurs résultats. Le binage bimensuel évite un tassement du sol qui a tendance à cuire comme de la poterie sous le soleil de juillet ; les racines s’y retrouvent coincées dans un milieu dur comme fer et ne trouvent plus le chemin des profondeurs. Le paillage ou le bâchage du sol au pied de la plante garde les racines à l’ombre et limite l’évaporation sur des sols qui peuvent monter à plus de 50° à la surface exposée en plein soleil. Si la température est montée jusqu’à 40° à l’ombre, vaporisez un peu d’eau à la tombée de la nuit, puis de bonne heure le matin et arrosez légèrement, non pas le pied, mais les alentours de votre plantation. L’évaporation sera rapide et générera un peu de fraîcheur.
C’est à partir du 15 septembre que l’eau est redoutable
2° Le deuxième facteur clef que tout bon grower se doit d’optimiser: l’apport d’eau. En pleine terre, la marge de manœuvre est bien sûr limitée. Le cannabis n’a besoin que d’un arrosage très modéré, comme le pied de tomate. N’arrosez que sur des sols bien secs et qui le demandent à l’évidence. L’arrosage, toujours au pied de la plante, jamais sur le feuillage, doit être abondant mais peu fréquent afin d’encourager le développement des racines vers les profondeurs. Pour une sativa adulte de trois mètres, il faut compter quarante litres une fois par semaine en cas de forte chaleur (sur sol paillé et biné et avec une cuvette d’arrosage).
C’est plutôt l’excès de précipitations qui est à craindre. Le nord de la France a connu au cours du printemps 2016 ses pires inondations et crues depuis un siècle. Les growers qui ont péché par excès d’optimisme en sortant leurs plants dès le début mai ont payé cher cette erreur d’appréciation. Plus d’un a vu sa plantation transformée en rizière et tout espoir de récolter quoi que ce soit anéanti. Pour les prudents qui ont gardé leurs plants en intérieur « en attendant de voir », la croissance des plantes n’aura débuté qu’au cours de la première quinzaine de juillet. Les cultivateurs de graines de cannabis autofloraison ont été plus affectés. Les variétés régulières ont pu profiter d’un meilleur karma climatique en juillet, août et même d’un très bon ensoleillement, inespéré, à l’automne. Les rendements sont toutefois restés décevants car la période végétative a été réduite et les plantes ont poussé dans un sol délavé, compacté et dégradé par les excès de précipitations.
Toutefois, c’est à partir du 15 septembre que l’eau est le plus à redouter. C’est le moment où vos pieds chéris sont déjà bien avancés sur la voie qui mène à la floraison. Hélas, les superbes « fruits » en formation que vous allez contempler chaque jour avec convoitise au fond de votre jardin sont encore à un bon mois du séchoir. La terrible « pourriture grise », aussi appelée botrytis, cauchemar du cannabiculteur, n’attend qu’une occasion de s’en prendre à votre récolte. Elle a besoin pour se faire d’eau et de chaleur, mais si elle ne dispose que d’eau, elle se débrouillera quand même. Une surveillance très attentive s’impose. La moindre apparition de botrytis doit être immédiatement traitée : Il ne faut pas hésiter à sacrifier largement les parties abimées après neutralisation des spores avec une solution d’eau et de savon de Marseille. D’autres growers cautérisent les parties abimées avec la flamme d’un briquet-torche qui tue les spores et limite la propagation. Préférez également les variétés à floraison précoce. Dans le nord de la France, évitez les souches qui fleurissent après le premier novembre. Il faut également savoir que les sativas sont moins sujettes à la pourriture que les indicas ou les herbes de type « haze », qui, du fait de la structure de leur fleur, ont une fâcheuse tendance à se gorger d’eau comme des éponges.
….des signes de déclin dus au stress climatique
3° Le vent et les tempêtes peuvent constituer statistiquement une cause d’échec. A partir du mois de juin, le nord et l’est de la France est sujet à des épisodes orageux, souvent précédés de vents violents qui peuvent coucher les plantes, briser les tiges. La présence d’un tuteur est souvent suffisante. Pour une grande sativa, il vous faudra un piquet d’au moins deux mètres cinquante. Notez bien que la taille de croissance fragilise la résistance de la plante aux tempêtes, de même que cette pratique répandue qui consiste à casser le bout des branches en période de floraison pour laisser la lumière arriver jusqu’au cœur de la plante. Les points de taille gagnent à être renforcés en période de floraison pour éviter leur rupture. Des liens découpés dans un vieux tee-shirt en coton y pourvoiront pour le meilleur. Attention, si vos plants sont couchés à terre, même avec les tiges brisées continuent à fleurir lorsqu’elles ne sont pas détachées de la plante. D’une manière générale, la plante est fragilisée en fin de cycle et certaines plantes peuvent présenter des signes de déclin dus au stress climatique avant d’avoir complétement achevé leur cycle de floraison. Si le temps se dégrade trop, il vaut parfois mieux anticiper un peu la mise au séchoir.
…le mauvais temps, c’est le même temps qui dure trop longtemps
En agriculture, un vieux proverbe dit que « le mauvais temps, c’est le même temps qui dure trop longtemps ». La nature et les plantes n’aiment pas les conditions extrêmes ou atypiques. La saison idéale pour cultiver dans le nord de l’Europe serait : un printemps chaud et ensoleillé dès avril, un été ni trop chaud, ni trop sec, et, pour les variétés régulières, un automne tardif et sans fortes précipitations ou gelées précoces avant le 1er novembre. Or, si on observe les statistiques météorologiques de ces dernières années : ces paramètres sont rarement tous au rendez-vous de la saison. Il faut se rendre à une évidence simple : au nord du 45ème parallèle (soit une ligne qui relierait Bordeaux à Grenoble) le cannabis croit et fleurit hors de son aire climatique de prédilection. L’expérience, l’observation attentive et les soins quotidiens peuvent permettre de palier à ce décalage dans une certaine mesure. Toutefois, une culture maîtrisée suppose l’utilisation d’une serre. Quant au vieux débat entre les irréductibles de la pleine terre et les tenants de la culture en pot, seule cette dernière vous permet de sécuriser votre processus de culture. Cultiver en extérieur, c’est aussi accepter une posture humble face aux phénomènes naturels, savoir les observer attentivement, les anticiper. Et s’engager dans une prise de risque qui est le lot de tout agriculteur depuis la nuit des temps.
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